Louis-François CASSAS
(1756-1827)
Une caravane à Palmyre
Pierre noire, plume et encre noire, sur trois feuilles de papier jointes
Avec inscription “LF Cassas” (verso)
45 x 134 cm.
PROVENANCE:
Louis-François Cassas, puis son fils Hippolyte; Hôtel Drouot, Paris, 14-16 janvier 1878, partie du lot 195 (“Dessins à la plume, au trait, lavis d’encre de Chine et de bistre. 32 pièces”) (à Calando).
Émile Calando (L. 837, deux fois); Hôtel Drouot, Paris, 11-12 décembre 1899, partie du lot 155.
Louis Bongard (sa marque, pas dans Lugt).
En 1784, Cassas fait la découverte des territoires levantins en suivant le comte de Choiseul-Gouffier (1752-1817), nommé ambassadeur à Constantinople. Envoyé en mission dans les provinces méridionales de l’Empire Ottoman, le jeune dessinateur parcourt la Syrie, la Phénicie, la Palestine, la Basse-Égypte et Chypre. Le point d’orgue de ce voyage est la visite de Palmyre, qu’il effectue en 1785, déguisé en bédouin. Il y réalise de nombreux relevés des vestiges antiques mais dessine également les bédouins, chameaux et chevaux qui composent les caravanes.
Après une expédition de plus de quatorze mois, l’artiste est de retour à Constantinople en janvier 1786 chargé d’une volumineuse documentation iconographique. Il s’installe ensuite à Rome où il travaille sur les illustrations de son Voyage pittoresque de la Syrie, de la Phénicie, de la Palestine et la Basse-Egypte dont seuls deux des trois volumes prévus parurent en 1799.
Aucune gravure des volumes publiés n’est en rapport avec ce très grand dessin mais il existe une gravure anonyme (un exemplaire est conservé au Getty Research Institute) qui atteste que l’artiste travailla sur le sujet. De nombreux motifs de cette gravure sont des emprunts directs au présent dessin. Plusieurs autres feuilles sur le même thème, certaines reprises à l’aquarelle, sont connues (voir, par exemple, cat. exp. Louis-François Cassas 1756-1827 dessinateur voyageur, Tours et Cologne, 1994-1995, no. 83).
Exécuté a posteriori à partir de nombreux croquis pris sur le vif, ce grand dessin frappe par l’originalité de sa composition. Cassas prend le parti de décrire la jonction de deux cortèges en un espace presque abstrait, sans zone d’ombre, dont la profondeur n’est suggérée que par l’échelle des figures représentées. Si l’artiste limite son décor à quelques colonnades et autres ruines rapidement suggérées en quelques traits de pierre noire, il confère toute l’attention de sa plume aux personnages et animaux. Avec une précision de miniaturiste, il décrit les lourds paquets portés par les chameaux comme la disparité des costumes ethniques. On distingue ainsi le long des cortèges les kurdes coiffés de chapeaux pointus, à cheval, armés de longues lances, chargés de protéger la caravane des pillards. Grâce à son travail sur le motif, Cassas avait à sa disposition un véritable catalogue de costumes et d’attitudes pour la réalisation de ce type de dessin. Le décor devient ainsi sous sa plume une sorte de scène de théâtre où il peut introduire les acteurs souhaités. Le groupe de la partie inférieure gauche illustre bien ce procédé, en associant des cavaliers très antiquisants à une scène typiquement nomade de pause-café. Nul doute que l’artiste a pris quelques libertés, notamment en figurant certains bédouins avec des vêtements courts laissant apparaître des torses, des bras et des jambes de guerriers néo-classiques. Son intention est de proposer une composition qui évoque le fourmillement cosmopolite d’une caravane orientale sillonnant à travers les ruines.
Maximilien Ambroselli