GIOVANNI BALDUCCI, IL COSCI

1560-1631
Christ parmi les docteurs
Plume et encre brune, lavis brun, rehauts de gouache blanche, sur papier lavé de brun
Avec inscription « (…) Caracci » à la plume et encre brune
34,8 x 23 cm.

 

PROVENANCE :

Pierre Crozat, sa numérotation « 56 » (L.3612).

Le Baron Double (selon une inscription au dos de l’ancien cadre).

Une marque de collection inconnue (L.79).

Vente anonyme, Cornette de Saint-Cyr, Paris, 29 novembre 2018, lot 13 (comme Ecole florentine vers 1600).

BIBLIOGRAPHIE :

M.V. Fontana, Itinera tridentina. Giovanni Balducci, Alfonso Gesualdo e la riforma delle arti a Napoli, Rome, 2019, D34 p. 275.

 

 

Cette feuille de Balducci peut être rapprochée d’un dessin de même sujet des Offices, de composition et de technique très voisines et de dimensions presque identiques (Fig. 1). La présente version, au luminisme plus contrasté, affiche un pentimento dans la tête du personnage assis au premier plan ; le dessin se distingue notamment de celui du musée florentin par la présence de marches qui, de plus que renforcer la perspective ascendante de la composition, articulent l’espace en séparant la scène principale, avec le Christ assis en haut, des figures assises au premier plan. Les deux feuilles ont été récemment publiées dans le catalogue raisonné de Giovanni Balducci établi par Mauro Vincenzo Fontana comme études pour la fresque du Christ parmi les docteurs au Chiostro Grande de Santa Maria Novella à Florence (Fig. 2). Entre 1582 et 1586, il Cosci travailla avec un rôle de premier plan à la décoration du grand cloitre de l’église florentine, sans doute l’un des plus importants chantiers religieux ouverts dans la cité durant la deuxième moitié du seizième siècle. La participation du peintre au cycle décoratif est décrite en détail par Filippo Baldinucci, qui nous donne aussi les noms des nobles florentins qui ont contribué à financer le travail. Balducci est responsable des fresques de cinq travées ainsi que d’une voute ; il réalisa, entre autres, « Per Lodovico Capponi […] la storia della Natività con tutte le storiette, e grottesche della volta » [« Pour Lodovico Capponi […] la Nativité et les petites histoires, ainsi que les grotesques, de la voute »]. En effet, les trois croisées d’ogives de la voute sud-ouest, au-dessus de la travée de la Nativité, sont décorées par des épisodes de la Vie du Christ, parmi lesquelles on trouve l’épisode du Christ parmi les docteurs.

Le présent dessin constitue un premier projet pour cette composition peinte. Avec celui des Offices, il remonte à la première phase d’élaboration du sujet, d’où les différences remarquables qui séparent les deux feuilles de la version définitive. La dernière étape du processus créatif est documentée par un autre dessin, publié déjà deux fois sous le nom de Balducci (bien que jamais mis en relation avec une peinture de l’artiste), qui est toutefois passée complètement inaperçue, n’ayant même pas de mention dans le catalogue raisonné de récente publication : il s’agit d’un Christ parmi les docteurs de la collection Puech conservée au Musée Calvet à Avignon (Fig. 3). Ce dessin, de dimensions analogues à celles des deux dessins précédents, prépare la fresque de Santa Maria Novella. Si la composition est identique, ce qui change, dans la transcription en peinture, est l’organisation de l’espace : le format trapézoïdal de la fresque comporte une atténuation de la verticalité, et la représentation, plus linéaire, gagne ainsi une certaine clarté narrative. À la même fresque, on peut également rattacher une autre étude de Christ parmi les docteurs (Fig. 4), plus petite et de format carré, d’exécution très rapide, qui montre des éléments en commun avec notre composition (et donc celle des Offices) ainsi qu’avec la feuille d’Avignon, et qui pourrait donc avoir été réalisée lors d’une phase intermédiaire du projet. La même figure assise en première plan, à gauche, est représentée en contrepartie dans le présent dessin ; le Christ en revanche, positionné sur le coin gauche, est enserré dans une architecture qui est extrêmement proche de celle décrite dans le dessin d’Avignon.

Maurizio Vincenzo Fontana estime que la fresque de Christ parmi les docteurs est l’une des premières interventions de Balducci à Santa Maria Novella ; il propose donc une datation entre 1582 et 1584 pour la présente feuille, ainsi que pour celle des Offices. D’autres dessins se rapportant aux peintures du cycle de la Vie de Christ sont connus : deux qui sont liées la Guérison du Paralytique, conservés respectivement aux Offices et au Louvre, et une étude très aboutie pour l’épisode des Noces de Cana (Fig. 5). Ces dessins montrent de nombreuses similitudes avec le présent dessin : la mise en page et la perspective ascendante de la composition, la multitude des figures, disposées par masses et arrangées dans un cadre architectural qui se développe vers le fond, révèlent des emprunts au langage figuratif de Giovanni Battista Naldini (1535-1591), le maître de Balducci, dont l’influence persiste bien au-delà de la permanence de ce dernier dans son atelier. Sur le plan technique, ce dessin, qui diffère de son homologue des Offices pour le traitement de la lumière, est parfaitement comparable à une feuille du catalogue de Balducci représentant une Adoration des Bergers. Dans les deux cas, la composition est rehaussée par des hachures de gouache blanche aux traits longs et fins qui, par contraste avec la couleur du papier, produit de puissants effets lumineux.

Giovanni Balducci, appelé “il Cosci” du nom de son oncle maternel, fut un élève de Giovanni Battista Naldini, peintre maniériste de l’entourage de Giorgio Vasari. Actif à Florence dès la fin des années 1570, Balducci collabora à plusieurs reprises avec son ancien maitre, ainsi qu’avec Federico Zuccaro et Alessandro Allori. Il descendit à Rome vers 1593 sur l’invitation du puissant cardinal Alessandro de Medici ; bien introduit dans le cercle du haut clergé romain, ses relations lui permirent d’obtenir plusieurs commandes prestigieuses. Dans la ville éternelle, le peintre fit connaissance du cardinal Alfonso Gesualdo, qu’il suivit ensuite à Naples (1596). Là, il devint le responsable de la diffusion du dernier maniérisme florentin, dont il offrit une interprétation épurée et alignée aux principes de « clarté » et de « convenance » de la Contre Réforme.

GIOVANNI BALDUCCI, IL COSCI - Benjamin Peronnet | Fine Art